Les lieux secrets de la Tour Eiffel – partie 2

Nous continuons notre série d’articles sur les lieux secrets de la Tour Eiffel avec l’incroyable machinerie hydraulique des ascenseurs des piliers Est et Ouest.

S’il est désormais possible d’avoir un aperçu du sous sol de la Tour en visite organisée, les clichés et explications qui suivent vont vous y faire accéder au plus près – là où aucun touriste n’a le droit d’aller !

 

Vue générale de la machinerie du sous solDes valves de contrôle d'origine

 

 

 

 

 

 

 

 

Un premier constat s’impose: rien ou presque n’a changé depuis 1889. On se croirait tout droit plongé dans un roman de Jules Verne.

Mais commençons d’abord par un bref rappel historique sur la mise en service des ascenseurs. Il s’agissait de relever un véritable tour de force technique, surtout pour l’époque, avec un dénivelé de 116 mètres entre le sol et le second étage, et une forte différence d’inclinaison entre les deux différents tronçons. Gustave Eiffel confie finalement à la société américaine Otis la conception de deux ascenseurs électriques pour les piliers Nord et Sud (démontés en 1910), et à la société suisse Roux, Combaluzier et Lepape celle de deux ascenseurs hydrauliques pour les piliers Est et Ouest. Si ces derniers seront modifiés et améliorés en 1899, juste avant l’ouverture de l’exposition universelle de 1900 (système Fives-Lille), leur principe reste inchangé 125 ans après leur mise en route. Ils font véritablement parti du patrimoine historique de la Tour.

Difficile à mettre en oeuvre techniquement, le principe de leur fonctionnement est extrêmement simple et tout à fait original. Pour mouvoir la lourde masse des ascenseurs et de leurs passagers, le système, très économique en énergie, ne nécessite qu’un moteur d’appoint – à l’origine à vapeur – pour donner l’impulsion de départ au déplacement. Le plus gros de la force nécessaire est une énergie naturelle: le poids de l’ascenseur dans un sens; la poussée de larges accumulateurs hydrauliques dans l’autre sens.

Les accumulateurs – de lourdes chapes de métal de forme cylindrique de 200 tonnes chacun – poussent de l’eau à haute pression contre un piston souterrain d’une trentaine de mètres de long. Le piston déplace un chariot qui entraine lui même les câbles métalliques des ascenseurs. Pour couvrir les quelques 128 mètres de course nécessaire à ces derniers pour atteindre le deuxième étage, l’effet est démultiplié par quatre grandes poulies fixées directement sur le chariot (32×4=128).

Descendons maintenant au plus près de la machinerie pour mieux comprendre. Attention, ici le port du casque et des chaussures coquées est obligatoire !

 

Les accumulateurs, vue extérieure.
Les accumulateurs, vue extérieure.

 

Le haut des accumulateurs, caché à l’intérieur des piliers, donne à l’air libre. En position basse, ils sont presque totalement rentrés dans le sol (comme les deux accumulateurs à la gauche de l’image ci-dessus). En position haute, ils se dressent à une petite dizaine de mètres plus haut (l’accumulateur à la droite de l’image est en train de commencer son ascension).

 

Base de l'accumulateur, en cours de montée
Base de l’accumulateur, en cours de montée
Base de l'accumulateur, position basse.
Base de l’accumulateur, position basse.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Au sous-sol, la base des accumulateurs monte et descend en conséquence. Il y a trois accumulateurs par pilier. Deux jaunes à haute pression et un rouge à basse pression qui récupère le trop plein d’eau non utilisé par le piston.

 

Le piston et le chariot avant la poussée des accumulateurs
Le piston et le chariot avant la poussée des accumulateurs
Le piston et le chariot en train de reculer sous l'action des accumulateurs.
Le piston et le chariot en train de reculer sous l’action des accumulateurs.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le piston est couché à l’horizontal. Il pousse le chariot le long d’un rail dentelé qui soutient sa masse et permet de ne pas entraver le passage des câbles et la rotation des poulies.

Comme il n’existe pas ou plus de pièces de rechanges, tout doit être fait sur mesure en cas de casse. Pour l’éviter, les équipes techniques de la Tour, sur lesquels nous reviendrons plus en détail dans un prochain article, font tout leur possible pour préserver les équipements d’origine. Les joints du piston étant toujours en cuir, un technicien le graisse tous les jours avec de la graisse de boeuf, comme vous pouvez le voir sur le cliché ci-dessous. Elle est appliquée avec le plus grand soin à l’aide d’un gros pinceau. Il s’agit exactement du même type de graisse que celui utilisé en Belgique pour cuire les frites – une graisse tout à fait comestible que votre dévoué webmaster a lui-même pu goûter !

 

Le graissage du piston
Le graissage du piston

 

Très bien encadrée, et étroitement surveillée, la merveilleuse machinerie d’origine de la Tour Eiffel poursuit inlassablement son ouvrage, jour après jour, et on l’espère pour très longtemps encore.

Savin Yeatman-Eiffel

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